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La question est posée...

9 Août 2013 , Rédigé par Daniel Lenoir

Je peux même dire, concernant cette décision de la Mayenne à propos de l'accueil des mineurs étrangers, puisque c'est de cela qu'il s'agit dans cet article, que : " la polémique enfle depuis quelques jours".

Jean ARTHUIS voulait alerter, c'est fait !

Tout le monde s'empare de cette affaire que chaque Conseil général connait pourtant depuis plusieurs années.

Déjà en 2011, Claude BARTOLONE  alors Président du Conseil général de Seine Saint-Denis, avait pris une mesure assez semblable pour alerter lui aussi les pouvoirs publics de l'époque, face aux arrivées importantes de jeunes étrangers qui transitaient par les aérogares.

Les discours les plus extrêmes se développent aussi, parce que certains veulent s'empresser de "récupérer" cette question au profit de leurs idées d'exclusion.

Ce n'est pas de cela qu'il s'agit, me semble-t-il.

Mais évidemment, comme je l'indiquais dans mon précédent article, toute évocation sur des sujets de cette nature expose son auteur aux pires griefs et accusations de discrimination ou de racisme.

Pourtant, au delà du sujet sur l'accueil de ces jeunes mineurs étrangers par les structures sociales des départements, se posent de nombreuses autres questions.

Tentons d'en traiter quelques unes :

La première, qui m'interpelle depuis de nombreuses années et qui vous a peut-être étonné vous aussi, c'est le tarif annoncé par les Conseils généraux pour l'accueil des enfants confiés à l'ASE, dont font partie ces jeunes étrangers.

Qu'ils soient Mayennais, ou qu'ils viennent d'ailleurs, chaque journée d'accueil d'un enfant dans un centre dit "spécialisé" ou dans des "lieux de vie", coûte autour de 150 €. Vous avez bien lu : 150 € par jour et par enfant.

Je trouve cette somme absolument indécente et je n'arrive pas à comprendre ce qui peut justifier un tel montant. J'ai souvent posé des questions à ce sujet, en réunion de commission et en séance publique, mais je n'ai jamais été convaincu par les réponses. J'ai même subi les foudres de certaines "institutions" qui n'étaient pas loin de penser comme France Terre d'Asile, que mon discours était discriminatoire et stigmatisant à l'égard de ces enfants qui n'y sont pour rien. Certes ils n'y sont pour rien et ma question ne visait surtout pas à remettre en cause leur accueil, bien au contraire. Doit-on pour autant et puisqu'il s'agit d'action sociale, accepter certaines dérives, au prétexte que des enfants sont concernés ?

A titre de comparaison, j'ai été personnellement confronté à une situation assez semblable à propos du transport des élèves handicapés vers leurs établissements scolaires. Nous connaissions une progression de près de 20 % de notre budget chaque année. Personne ne semblait vouloir regarder de plus près cette question, là encore parce qu'il y avait cette peur d'une mise à l'index et d'une accusation de faire des économies sur le dos de ces jeunes.

Nous avons pourtant pris la décision de modifier notre manière de traiter les dossiers. Nous avons du y mettre des moyens humains supplémentaires dans nos services, mais par un travail plus précis, en lien avec les familles concernées, à force d'écoute et d'observation, nous avons stoppé cette progression, sans affecter la qualité du service rendu. Au contraire, je suis convaincu que cela a permis d'améliorer le temps de transport de certains élèves.

Seulement voilà, poser cette question peut être si facilement synonyme de restrictions financières sur le dos des plus démunis que beaucoup hésitent à s'aventurer dans cette démarche.

La deuxième question porte sur la venue de ces jeunes étrangers dans nos pays.

Je ne suis pas de ceux qui pensent que des filières bien organisées seraient à l'oeuvre pour faire venir ces migrants en France. Le sujet est plus complexe.

L'idée d'une "pieuvre tentaculaire" qui "mobiliserait", "acheminerait", ferait passer les frontières en confisquant les passeports, ne me parait pas crédible.

De nombreux jeunes et moins jeunes, d'ailleurs, quittent leur pays parce qu'ils y rencontrent des difficultés qui peuvent aller jusqu'à mettre en péril leur existence même.

Ils ont donc souvent en effet, les mêmes raisons de partir de chez eux. C'est ensuite que les choses se compliquent. Après avoir erré quelques fois des années à travers des pays de transit, ils tentent leur chance vers notre "Eldorado", parce qu'ils ont rencontré d'autres migrants comme eux qui leur ont raconté la procédure à suivre. C'est donc souvent par des réseaux de connaissance, souvent au prix de lourds sacrifices financiers et la plus part du temps au péril de leur vie, qu'ils se retrouvent en Europe. Ensuite ils s'organisent comme ils peuvent, parce qu'ils sont là encore, abandonnés à leur sort, sans papiers. Et là, ils "rachètent" des récits à des collègues. Voilà comment le système D s'organise.
Alors il va de soi que, bien qu'il ne s'agisse pas de filières organisées au sens propre, nous pouvons avoir à faire à des "modes", ici les Européens de l'Est, là les Africains, etc...  Bref! Une forme de répartition géographique que l'on ne comprend pas nous-mêmes, mais qui trouve une certaine logique relationnelle.

Tout cela accrédite encore plus la thèse qu'il s'agit d'une question nationale et non d'une responsabilité départementale.

La troisième question porte sur le supposé appel d'air.

Comme je le disais plus haut, ce sont plus les relations au sein de groupes sociaux ou d'origine qui génèrent des flux dans telle ou telle direction.

Imaginons un instant ce que peut représenter l'arrivée en France pour un jeune de 18 ou 20 ans qui ne maitrise ni la langue, ni les habitudes, ni les modes vie, s'il ne connait personne. Il est donc la proie facile du premier profiteur venu et je ne suis pas certain que le bonheur soit pour lui, au bout de chemin.

En conséquence, l'augmentation des arrivées est à rechercher au moins autant dans l'accroissement des difficultés de vie dans les pays d'origine que dans une supposée "qualité" d'accueil en France ou en Europe.

Voilà de nombreuses questions que le placement décidé par les juges, des mineurs ou présumés tels, dans les structures d'accueil pour enfants des différents départements, ne résout en rien. Il masque même honteusement une volonté de ne pas traiter correctement ces jeunes qui, une fois sur le sol Français ont bien peu d'autres solutions que de partir plus loin, en Angleterre par exemple, ou  se cacher et devenir clandestins ici en France.

Oh bien sûr, vous trouverez toujours des âmes bien intentionnées qui vous expliqueront que l'expulsion est la solution. Après avoir risqué leur vie pendant des mois, voire des années, vous leur ferez risquer une fois de plus en les renvoyant dans leur pays d'origine, si tant est que nous le connaissions.

Les incantations sont donc mal venues dans ce domaine. L'intelligence et l'humanité doivent primer, mais cela n'exclut surtout pas de poser la question de notre forme d'accueil actuel. Elle est sur la table. Espérons qu'elle permettra de progresser avec tous les partenaires publics et associatifs, en évitant les caricatures que nous avons dû subir ces jours derniers.

 

 

 

 

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